[Publication Scientifique] Neuromorphic weighted sum with magnetic skyrmions
Pour répondre aux besoins croissants du numérique et à l’essor de l’IA générative, des chercheur·ses du Laboratoire Albert Fert explorent les skyrmions magnétiques dans l’étude « Neuromorphic weighted sum with magnetic skyrmions » publiée dans Nature Electronics le 6 janvier 2025
Afin de répondre à la croissance exponentielle des objets et besoins du numérique, un des défis majeurs des années à venir est de développer des composants efficaces et basse consommation. Cela est particulièrement vrai avec l’essor de l’Intelligence Artificielle générative, grande consommatrice d’énergie, notamment lors de la phase d’apprentissage. Dans cette étude fondamentale, nous avons utilisé les propriétés des skyrmions magnétiques, analogues aux neurotransmetteurs biologiques, pour réaliser une opération de base du calcul neuromorphique : la somme pondérée des signaux synaptiques. Ces skyrmions permettent de reproduire cette opération de manière compacte et énergétiquement efficace, ouvrant des perspectives pour des composants neuromorphiques plus proches de l’efficacité des systèmes biologiques.
Cette étude a été réalisée au Laboratoire Albert Fert à Palaiseau dans le cadre du projet du projet ERC Grenadyn, du projet EU Pathfinder SKYANN et du projet CHIREX du PEPR SPIN soutenu par l’initiative France 2030.
Dans cet article, par T. Da Camara Santa Clara Gomes et al., publié dans Nature Electronics, les chercheur·ses démontrent la capacité de contrôler la nucléation des skyrmions magnétiques et leur déplacement induit par des impulsions de courant, établissant une relation linéaire entre le nombre d’impulsions et le nombre de skyrmions générés. Ces skyrmions, qui sont des entités topologiques magnétiques non volatiles, agissent comme des analogues aux neurotransmetteurs dans un réseau neuronal. Nous montrons comment le poids synaptique peut être ajusté en appliquant un petit champ magnétique et utilisons l’effet Hall anormal pour détecter et sommer les skyrmions générés dans plusieurs synapses d’un neurone artificiel. Ces développements valident expérimentalement, pour la première fois, la réalisation d’une somme pondérée dans un dispositif de preuve de concept contenant 2 synapses et 1 neurones, démontrant ainsi un potentiel considérable pour des architectures neuromorphiques compactes et économes en énergie.
Ils présentent une preuve de concept expérimentale de la réalisation d’une somme pondérée — une brique fondamentale des architectures neuromorphiques — en utilisant des skyrmions magnétiques de taille sub-micronique. Ils démontrent ainsi, une méthode de contrôle électrique de la nucléation et du déplacement des skyrmions dans des pistes multicouches magnétiques, permettant ainsi la multiplication des entrées par un poids synaptique. Ce poids synaptique peut être ajusté précisément par de petites modifications du champ magnétique externe, offrant ainsi une flexibilité pour l’entraînement des réseaux neuronaux.
Les skyrmions générés par des impulsions de courant sont détectés et sommés grâce à l’effet Hall anormal, permettant la réalisation d’une opération de somme pondérée en une seule mesure physique, sans perturber le mouvement des skyrmions. Les chercheur·ses ont validé cette somme pondérée dans un dispositif contenant deux pistes parallèles reliées par des électrodes de Hall transversales, où la tension de Hall reflète le nombre total de skyrmions présents dans les pistes. Cette approche permet une exécution efficace de l’opération de base des réseaux neuronaux avec une précision énergétique accrue.
Ce dispositif est conçu de manière à minimiser les pertes de courant et les perturbations dans le mouvement des skyrmions, grâce à l’utilisation d’électrodes en tantale (Ta) très résistives, connectées uniquement aux bords des pistes magnétiques. En optimisant les paramètres de génération et de déplacement des skyrmions, nous avons pu injecter plusieurs dizaines de skyrmions dans une piste de 6 µm de largeur, démontrant la possibilité de réaliser des opérations neuromorphiques sur des réseaux de plus grande taille. À terme, en modulant les poids synaptiques par des effets de champ électrostatique ou des méthodes non volatiles, cette approche pourrait atteindre l’efficacité énergétique observée dans les systèmes biologiques.
Co-auteur·es: : Tristan da Câmara Santa Clara Gomes, Yanis Sassi, Dédalo Sanz-Hernández, Sachin Krishnia, Sophie Collin, Marie-Blandine Martin, Pierre Seneor, Vincent Cros, Julie Grollier, Nicolas Reyren